Report de l'ETS 2 : quel impact sur l’inflation européenne ?
L’UE a révisé la directive ETS en 2023 pour créer ETS 2, étendant le marché du carbone aux émissions des bâtiments, des transports routiers et des petites industries afin d’atteindre −42 % d’ici 2030 (base 2005). Début novembre 2025, les ministres de l’environnement ont reporté d’un an la mise en œuvre d’ETS 2, de 2027 à 2028. La BCE devra réviser ses projections d’inflation 2027‑2028, qui intégraient l’extension du marché carbone. Ce décryptage rappelle le fonctionnement du marché européen d’échange de quotas carbone et donne une estimation de l’impact que cela pourrait avoir sur l’inflation européenne en 2027 et 2028.
Publié le 26 novembre 2025

ETS 2, un nouveau marché du carbone pour l’UE
L’ETS, Emissions Trading Scheme, est un mécanisme européen de plafonnement et d’échange de quotas carbone (« cap and trade »).
Dans le marché carbone européen, les sociétés concernées doivent comptabiliser leurs émissions de CO₂ et acquérir un nombre équivalent de quotas chaque année (1 quota = 1 tonne de CO₂). La quantité annuelle de quotas sur le marché est fixée en fonction des objectifs de réduction d’émissions de l’UE et est attribuée par un mécanisme d’enchères.
L’ETS 1 s’applique à l’industrie lourde, au transport maritime et aérien et à la production d’électricité depuis 2005. Il couvre 40% des émissions de GES européennes. Le prix de la tonne de carbone sur ETS 1 a oscillé entre 60 et 82€/t depuis le début de l’année 2025.
Dans le cadre du Green Deal, l’Europe a adopté l’ETS 2 en 20231 qui doit s’appliquer aux fournisseurs d’énergies fossiles des secteurs du transport routier (carburants), des bâtiments (combustibles fossiles), de la construction (gazole non routier) et des petites industries (combustibles et carburants non industriels), et permettre de couvrir ainsi les ¾ des émissions de GES de l’UE. Il était prévu qu’il entre en vigueur au 1er janvier 2027, avec une première restitution des quotas destinée à couvrir les émissions de GES de l’année 2027 au 31/05/2028. Les revenus dégagés par l’ETS 2 doivent être affectés à des actions pour le climat et des mesures sociales d’accompagnement, notamment via le Fonds social pour le climat.
Avant 2031, la Commission pourra prévoir la fusion des deux systèmes d’échange de quotas carbone.


Les prix des quotas carbone ETS 1 et ETS 2 seront fixés séparément
Pour que la hausse des quotas ETS 2 ne soit pas trop rapide pour les consommateurs, l’UE a prévu un mécanisme de protection des prix : un prix maximum de 45€/tonne CO₂ aux prix de 2020 (environ 55€ aux prix de 2025) a été fixé jusqu’en 2029. En cas de dépassement temporaire de ce plafond, l’UE injectera de nouveaux quotas sur le marché afin de faire baisser leur prix. Aucune allocation gratuite de quotas d'émissions n'est prévue dans l'ETS 2, contrairement à ce qui avait été fait dans l’ETS 1, et tous les quotas seront attribués aux enchères puis échangés sur le marché secondaire.
Pour 2027, 1,036 millions de quotas étaient prévus.
Un impact très différent selon les pays de l’UE et leur mix énergétique
Plusieurs pays de l’Est demandaient un report voire une suppression du marché ETS 2 du fait de la part importante des énergies fossiles dans leur mix énergétique et donc de l’impact financier important que la mise en place de l’ETS 2 aurait pour les ménages et les entreprises.
A l’inverse, certains États membres disposent déjà de marchés carbone couvrant les transports et les bâtiments (Allemagne et Autriche) ou des taxes carbone nationales qui s’appliquent aux secteurs du bâtiment, du transport routier ou des autres secteurs couverts. Ils bénéficient donc d’une dérogation temporaire à la mise en œuvre d’ETS 2 jusqu’à la fin de 2030 et ne seraient donc que peu impactés par sa mise en œuvre.
Un impact de l’EU ETS 2 sur l’inflation très différent selon les pays
Les économistes de la BCE estimaient en 2024 que l’impact de la mise en place d’ETS 2 sur l’inflation de la zone euro était incertain du fait de l’imprévisibilité des prix du carbone, de la rapidité et de l’ampleur de sa répercussion aux consommateurs ainsi que sur la transition entre les systèmes nationaux de taxation du carbone et le système européen. La fourchette d’estimation était de ce fait relativement large et l’impact pourrait varier entre 0,0 et 0,4 point de pourcentage en 2027. Ils estimaient que l’impact serait beaucoup plus faible en 2028.
En août 2025, la Banque nationale tchèque estimait que si les prix des ETS 2 atteignaient 57€/t en 2027 (45€/t réévalué de l’inflation sur la période), les prix à la consommation pourraient augmenter de 0,9 point de pourcentage en raison de la hausse des prix du gaz naturel, du fioul et du charbon. Cependant, si des mesures de compensation étaient mises en œuvre, cela pourrait réduire de moitié l’impact de l’ETS 2 sur l’inflation. La configuration et le calendrier des mesures de compensation, les prix des quotas apparaissaient comme déterminants pour les ménages tchèques. Par ailleurs, les ménages seraient impactés de façon différenciée en fonction de la qualité énergétique de leurs logements et de leurs modes de transport.
A plus long terme, l'impact des variations futures des prix de l’ETS 2 sur l'inflation énergétique pourrait être atténué par une diminution de la part des combustibles fossiles dans le mix énergétique et par une réduction des dépenses des ménages consacrées à ces combustibles.

Ces deux études montrent que l’extension du marché du carbone au bâtiment et au transport routier peut avoir des impacts très différents sur l’inflation selon les pays européens en raison de leur mix énergétique, notamment. Quoi qu’il en soit, le report de l’ETS 2 de 2027 à 2028 jouera à la baisse sur les prévisions d’inflation 2027 en zone euro et marginalement à la hausse en 2028. En septembre, les projections de la BCE anticipaient une inflation à 1,7% en 2026 et 1,9% en 2027, et ce report de l’ETS 2 pourrait renforcer le risque d’être en dessous de la cible en 2027.
[1]Directive (UE) 2023/959 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans l’Union et la décision (UE) 2015/1814 concernant la création et le fonctionnement d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union