Marchés et stratégies
Pourquoi la Fed a baissé ses taux de 50 bps en septembre ?
Alors que plusieurs banques centrales des pays développés avaient déjà baissé leurs taux directeurs (Canada, Nouvelle-Zélande, Suède, Suisse, Zone euro), la Fed s’est lancée, elle aussi, dans un cycle de baisses de taux. Et elle l’a fait avec autorité, en baissant sa fourchette cible de taux directeurs de 50 bps, à 4,75%/5%. L'analyse de Bastien Drut, Responsable des Études et de la Stratégie
Publié le 24 septembre 2024
On peut légitimement se demander pourquoi la Fed a opéré un tel revirement. Pour répondre à cette question, il est nécessaire de rappeler que la Fed a, contrairement à la BCE par exemple, un mandat dual avec un objectif de stabilité des prix et de plein emploi. Avec l’inflation élevée de 2022/2023, la Fed s’est totalement focalisée sur le premier de ces deux objectifs or la phase de désinflation s’est accompagnée d’une détérioration progressive du marché du travail : le taux de chômage a atteint 4,3% de la population active en juillet, contre un plus bas de cycle à 3,4%.
Le temps est donc venu pour la Fed de considérer ses deux objectifs de façon équilibrée. Le 23 août, lors de la conférence des banquiers centraux de Jackson Hole, le président de la Fed Jerome Powell avait déjà déclaré : « Nous ferons tout ce que nous pouvons pour soutenir le marché du travail maintenant que nous faisons davantage de progrès sur le front de l’inflation », ce qui laissait entendre une claire intention de venir en aide au marché du travail si besoin.
Mais c’est surtout que la Fed s’est trouvée piégée par son optimisme au sujet du marché du travail. En juin, les membres du FOMC envisageaient un taux de chômage à 4% en fin d’année et à 4,2% en fin d’année 2025. Mais le taux de chômage a dépassé ces prévisions durant l’été et a même déclenché l’empirique « règle de Sahm », qui est censée dater l’entrée en récession à partir de la vitesse de hausse du taux de chômage.
Les membres de la Fed ont longtemps été convaincus que la résilience de l’économie américaine empêcherait une dégradation du marché du travail mais cela n’a pas été le cas car les entreprises ont fortement coupé dans leurs programmes d’embauche et qu’il n’y a désormais plus suffisamment d’emplois créés pour absorber les flux de personnes arrivant sur le marché du travail.
A leur décharge, il faut dire que les chiffres de créations ont pu paraitre artificiellement élevés puisque qu’il y a quelques semaines, le Bureau of Labor Stastistics a révisé à la baisse de 818 000 le nombre total d’emplois : jamais depuis la crise financière de 2008, une telle révision baissière n’avait été observée !
La Fed converse un scénario d’atterrissage en douceur (« soft landing ») puisqu’elle attend 2% de croissance pour 2024, 2025, 2026 et 2027. Jerome Powell a expliqué : « Nous ne pensons pas être en retard mais nous baissons les taux pour ne pas être en retard ». Le message est qu’il n’y a rien de grave à l’œuvre dans l’économie américaine, c’est-à-dire pas de « hard landing », mais qu’il faut évacuer ce scénario pour les prochains mois.
C’est précisément dans ce but que la Fed continuera la « recalibration » de sa politique monétaire, en continuant à baisser les taux directeurs dans les mois à venir.