28 juin 2021
De l'article 173 à l'article 29 de la Loi Energie Climat (LEC 29)
Quelques jours après la parution du décret d’application de l’article 29 de la Loi Energie Climat (LEC 29), nous analysons les nouvelles obligations relatives à la prise en compte des risques climatiques et biodiversité dans les stratégies d’investissements institutionnels.
Comment présenter l'article 29 de la Loi Energie Climat ?
L'article 29 de la Loi Energie Climat (LEC 29) s’inscrit à la suite de l'article 173.6 de la loi pour la transition énergétique et la croissance verte d’août 2015. Celui-ci a permis aux investisseurs institutionnels et aux gérants de portefeuilles français de s’approprier il y a quatre ans les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Il a influencé la Commission européenne, qui a inscrit à son plan d'action pour la finance durable le besoin d'aboutir sur un règlement « disclosure ». Dans ce règlement, publié au Journal officiel de l'Union européenne en novembre 2019, la France a obtenu un considérant autorisant les États qui le souhaitent à disposer d’un cadre plus exigeant en matière d’information extra-financière.
L’article 29 de la loi énergie-climat vient ainsi transposer le règlement « disclosure » tout en conservant l’avance de la France sur la prise en compte des enjeux de durabilité.
Quelles sont les principales avancées du décret d’application de l’article 29 de la Loi Energie Climat ?
Première avancée, le décret tient compte du caractère préexistant du reporting extra-financier pour les investisseurs en France, en conservant la publication sur les aspects positifs de la transition énergétique et écologique, la politique et les moyens qui y sont consacrés. La publication de cibles indicatives sur l'alignement avec les objectifs de l'Accord de Paris en matière de limitation du réchauffement climatique est également conservée.
Au-delà, pour mieux comprendre ce décret, il convient de l’interpréter comme un outil palliant l’absence de standards techniques européens (regulatory technical standards ou RTS) accompagnant la mise en œuvre de l’article 3 du règlement « disclosure ». Cet article 3 traite des risques pesant sur la politique d'investissement au niveau de l’entité financière (le produit) et la manière dont ils sont pris en compte. Le décret fait un focus explicite sur les risques associés au changement climatique et un autre sur les risques liés à l'érosion de la biodiversité, distinction qui n'a pas été opérée en droit européen.
Enfin, le décret fournit aux investisseurs institutionnels un texte plus lisible et plus opérationnel que le décret d'application de l'article 173.6 de la loi de transition énergétique. Les informations demandées sont structurées autour des recommandations de la TCFD, à savoir de bien distinguer gouvernance, stratégie, gestion des risques et mesures d’impact.
Et en matière de biodiversité ?
Le décret requiert des éléments sur la stratégie d'alignement sur les objectifs internationaux de préservation de la biodiversité, tout en constatant que les avancées méthodologiques en la matière ne sont pas aussi importantes que sur le climat. Une COP dédiée à la biodiversité doit apporter à l'automne prochain des précisions sur la chaîne de valeur retenue pour établir cette stratégie d'alignement, avec de la même manière des objectifs sur la biodiversité qui pourront être fixés à horizon 2030, puis tous les 5 ans.
Le décret ne requiert pas d’objectifs quantitatifs. Il présente les indications à fournir sur la contribution à la réduction des principales pressions et des principaux impacts sur l’érosion de la biodiversité.
Comme pour le climat, une distinction claire entre les principaux risques liés à la biodiversité, le périmètre de la chaîne de valeur retenu, ainsi que le lien spécifique entre le risque et le secteur d'activité, la zone géographique de l'actif sous-jacent analysé doivent être précisés.
Quels seront les principaux défis à relever en matière de biodiversité, pour respecter les obligations définies par l'article 29 ?
La future Task Force on Nature related Financial Disclosure fournira des avancées importantes à la fois sur le reporting, l'identification des risques et leur mesure en amont pour les portefeuilles d'actifs. Nous allons avoir besoin d'une définition commune de la biodiversité.
Les objectifs internationaux vont évoluer avec la nouvelle COP consacrée au sujet cet automne et seront forcément plus ambitieux que les objectifs d’Aichi, qui n’ont pas été atteints, afin de tenir compte de l’accélération du rythme d’érosion de la biodiversité. Cela aura un impact sur les objectifs que se fixeront les institutionnels à horizon 2030, puis tous les 5 ans jusqu’à 2050.
L’amélioration des reportings extra-financiers des entreprises, en particulier la qualité des données disponibles, est un autre défi important pour mieux intégrer la biodiversité dans les stratégies d’investissement.
En lien avec l’article 3 du règlement « disclosure », le décret porte sur les risques liés à l'érosion de la biodiversité et la stratégie d'alignement avec les objectifs internationaux de préservation de la biodiversité. Cependant, les institutionnels et les gestionnaires d’actifs devront aussi intégrer à leur analyse sur la biodiversité les principales incidences négatives de la politique d'investissement.
Ce point sera traité dans les mesures d’application de l’article 4 du règlement européen. Il revêt des défis méthodologiques importants, notamment parce que les risques liés à l'érosion de la biodiversité et l'impact d’une stratégie d’investissement sur la biodiversité recoupent des informations souvent difficiles à distinguer.
Quelles seront les prochaines étapes, une fois le décret publié ?
Ce décret a été conçu comme un guide méthodologique à destination des investisseurs institutionnels et des gestionnaires d’actifs. Sa mise en œuvre va nécessiter un travail de consolidation, de modélisation et d’exploitation des données auquel CPRAM compte participer, notamment en accompagnant les investisseurs institutionnels.