Marchés et stratégies
Victoire de Donald Trump : Quelles conséquences économiques ?
Après une campagne marquée par plusieurs événements extraordinaires, Donald Trump remporte les élections : le 45ème président des Etats-Unis sera donc aussi le 47ème. C’est seulement la 2ème fois (après Grover Cleveland à la fin du XIXème siècle) qu’un président battu parvient à revenir à la Maison Blanche.
Le Sénat redevient républicain alors que le sort de la Chambre des représentants, où les Républicains avaient une courte majorité, est encore très indécis. Sans le contrôle des deux Chambres, Donald Trump sera donc de facto dans une situation de cohabitation qui l’empêcherait de mettre en œuvre une bonne partie de son programme économique.
Publié le 07 novembre 2024
L’une des mesures « phare » de Donald Trump porte sur l’augmentation des droits de douane, qu’il sera en mesure de mettre en application sans le Congrès.
Une première version portait sur une augmentation de 60 points des droits de douane sur les importations de produits chinois et une augmentation de 10 points sur les autres importations. Durant la campagne, Trump a parfois évoqué des augmentations encore plus significatives. Le Peterson Institute a estimé que la version initiale coûterait 1700 $ par an en moyenne pour un ménage de la classe moyenne.
En effet, cette décision représenterait un surcoût direct de 1,8% du PIB (en multipliant simplement les quantités d’importations par les hausses de droits de douane), contre 0,4% du PIB lors de la guerre commerciale de la première administration Trump (2018-2019) : l’impact serait vraiment beaucoup plus fort que lors de la première guerre commerciale.
A cela, il faut évidemment ajouter l’impact des mesures de rétorsion que les pays ciblés ne manqueront pas de prendre. Cela serait donc inflationniste et négatif pour l’activité aux Etats-Unis mais aussi pour ses partenaires commerciaux : on peut penser surtout à la Chine mais aussi au Canada et au Mexique.
La grande question sur ce thème sera l’imprévisibilité de Trump : en 2018/2019, sa communication a souvent été erratique sur le sujet.
Donald Trump a proposé une baisse de l’impôt sur les sociétés de 21 à 15% (« pour les sociétés qui produisent aux Etats-Unis »), mais cette mesure ne peut être mise en place qu’en cas de majorité à la Chambre des Représentants. Même avec une très courte majorité des républicains, cette mesure pourrait passer car c’est un sujet assez consensuel dans ce parti.
De même, Trump a proposé une extension des baisses temporaires d’impôt sur le revenu adoptées en 2017 et qui arrivent à échéance fin 2025.
En cas d’expiration, le taux d’imposition augmenterait un peu pour une proportion importante de la population mais davantage pour les ménages qui gagnent le plus. Là aussi, une majorité dans les deux chambres est nécessaire pour étendre ces baisses d’impôts. Néanmoins, un compromis pourrait être trouvé (non sans difficulté) avec les Démocrates pour pérenniser les baisses d’impôts des plus modestes.
Une autre proposition consiste à renvoyer dans leurs pays les personnes en situation irrégulière (ce qui concerne environ 11 millions de personnes).
Trump a régulièrement évoqué qu’il invoquerait le Alien Enemies Act de 1798 pour cela. Sur ce projet, la faisabilité pose question car un tel projet serait très coûteux (et demanderait donc une solide majorité au Congrès) et que de nombreux recours juridiques pourraient être envisagés.
Une telle mesure serait très inflationniste (raviverait les pénuries sur le marché du travail) et récessioniste.
Trump devrait utiliser massivement les executive orders pour supprimer des régulations, notamment en matière environnementale.
Durant son premier mandat, Donald Trump avait utilisé les executive orders pour annuler ou assouplir plus d’une centaine de régulations environnementales (par exemple, annulation de l’obligation faite aux entreprises pétrolières et gazières de rendre compte de leurs émissions de méthane et autorisation à forer dans des zones protégées jusque-là).
Trump devrait accorder des autorisations à de nombreux nouveaux projets pétroliers et gaziers (l’un de ses slogans de campagne était « Drill, baby, drill. »
Trump souhaite avoir son mot à dire sur les décisions de la Fed.
Ses projets ne sont pas très détaillés. Mais une première étape pourrait être de remplacer Jerome Powell à la fin de son mandat de président en 2026. Le mandat de Adriana Kugler, autre membre du Board, prend fin le 31 janvier 2026. Cela dit, Trump a souvent fait savoir qu’il appréciait des taux bas … et une intervention, si elle se produisait, serait donc plutôt inflationniste.
En conclusion, les marges de manœuvre de Donald Trump pour son second mandat dépendent des résultats finaux des élections à la Chambre des représentants : sans majorité au Congrès, il ne lui sera pas possible de baisser l’impôt sur les sociétés ni de pérenniser les baisses temporaires d’impôt sur le revenu. Une majorité à la Chambre aurait des répercussions positives sur les marchés actions américains, qui surperformeraient les marchés du reste du monde.
En revanche, la majorité au Congrès n’est pas nécessaire pour qu’il mette à exécution son projet de hausses massives des droits de douane et de dérégulation environnementale. Le second mandat de Trump devrait être associé à de fortes tensions commerciales et associé à des pressions inflationnistes. Ces éléments sont très positifs pour le dollar et vont amener à une révision à la hausse du chemin de taux directeurs de la Fed.
A contrario, Christine Lagarde avait indiqué lors du Conseil des gouverneurs d’octobre que de nouvelles tensions commerciales affaibliraient les perspectives économiques de la zone euro et provoqueraient probablement davantage d’assouplissement monétaire de la part de la BCE. Les marchés obligataires européens devraient surperformer leurs homologues américains.